La grammaire est une chanson douce
d’Erik Orsenna
L’histoire :
Jeanne, 12 ans, et son frère Thomas, quatorze ans, habitent l’Europe, chez leur mère. Régulièrement, pour aller passer des vacances avec leur père, ils traversent l’Atlantique en paquebot.
Cette année-là, une tempête les surprend, si terrible qu’ils font naufrage. Ils se retrouvent sur une île étrange, une île dont les habitants sont les mots.
En leur compagnie joyeuse et chantante, la vie serait belle s’il ne fallait lutter contre deux personnages néfastes, ennemis du bonheur : Nécrole, le dictateur, et l’inspectrice Jargonos, son adjointe.
Mon avis:
Histoire légère et pleine d’humour grâce à la petite Jeanne, à l’esprit malicieux, subtilement écrite par un amoureux des mots qui nous oblige avec finesse à nous arrêter sur quelques uns.
C’est pourtant vrai…faisons-nous toujours attention aux mots que nous employons pour ne pas qu’ils « assassinent »… bien les choisir pour ne pas qu’ils nous trahissent ?…ne banalisons- nous pas trop certains jusqu’à les dénaturer ? Ne laissons-nous pas échapper, parfois, certains mots, pour se rendre compte, trop tard, que leur portée dépassait largement notre pensée ? Pourtant si le mot est bien choisi, un banal dialogue peut se transformer en une merveilleuse rencontre amoureuse…Chaque mot, parce qu’il aura été appréhendé avec soin dans toutes ses facettes, nous apportera un bonheur intense au lieu de nous précipiter vers les affres du tourment …
Mais revenons à la légèreté de ce conte…
Extrait :
« Le nom féminin « maison » pousse la porte, précédé de « la », son article à clochette.
-Bonjour, je me trouve un peu simple, j’aimerais m’étoffer.
-Nous avons tout ce qu’il vous faut dans nos rayons, dit le directeur en se frottant déjà les mains à l’idée de la bonne affaire.
Le nom « maison » commence ses essayages. Que de perplexité ! Comme la décision est difficile ! Cet adjectif-là plutôt que celui-ci ? La maison se tâte. Le choix est si vaste. Maison « bleue », maison « haute », maison « fortifiée », maison « alsacienne », maison « familiale », maison « fleurie » ? Les adjectifs tournent autour de la maison cliente avec des mines de séducteur, pour se faire adopter.
Après deux heures de cette drôle de danse, la maison ressortit avec le qualificatif qui lui plaisait le mieux : « hanté »…. »